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Lire saint Augustin : un effort de carême ?
Lire ou entendre des textes de saint Augustin durant le Carême est quelque peu dépaysant, au point que cela ressemble parfois à un effort de Carême, mais c’est en réalité bien plus ! Au-delà des différences culturelles, les hommes n’ont pas fondamentalement changé : nous avons toujours besoin du carême pour nous rapprocher de Dieu. Les exhortations d’Augustin à ses fidèles sont toujours actuelles. Et en cette année jubilaire, nous trouverons dans les textes d’Augustin une insistance sur la miséricorde : miséricorde que nous recevons de Dieu, miséricorde à prodiguer aux autres.
Les chrétiens de l’Antiquité étaient plus sensibles que nous à la fête de Pâques, centre de la vie chrétienne, et Augustin ne manque jamais de relier le Carême à Pâques : au-delà des pratiques (jeûne, prière, partage), le Carême n’a de sens que comme préparation aux fêtes pascales. À l’époque d’Augustin, le Carême était le temps de préparation par excellence des nombreux catéchumènes adultes qui allaient être baptisés dans la nuit de Pâques, comme des pénitents qui allaient être réconciliés et réintégrés dans l’Église. D’où de nombreuses mentions au baptême et à la pénitence.
Temps de préparation, le Carême est pour Augustin une image du pèlerinage que représente notre vie sur la terre. Nous ne pourrons chanter l’alléluia qu’une fois arrivés au temps pascal, qui représentera la vie céleste où nous louerons sans fin. En attendant, le but de notre existence est de nous préparer à cette rencontre, en retrouvant la ferveur et l’humilité. Pour cela, des exemples nous sont donnés dans l’Écriture : comme Élie au désert avant de rencontrer Dieu (1 R 19,8), comme Moïse avant de recevoir la Loi (Ex 34,28) et surtout comme Jésus avant sa vie publique (par exemple Lc 4,1-13), les chrétiens sont invités à jeûner. Augustin ne va pas encourager ses fidèles à multiplier les prouesses et les exploits ascétiques, il ne s’intéresse pas non plus à ce que l’on doit ou ne doit pas manger. Il insiste plus sur les fruits du jeûne que sont la vigilance et l’attention renouvelée aux autres.
Le jeûne n’a de sens que s’il est relié à la miséricorde, laquelle se manifestera par le don, l’aumône faite aux plus pauvres, le pardon. Donner et pardonner sont deux œuvres de miséricorde que les chrétiens doivent pratiquer s’ils veulent réellement faire comme le Christ. Enfin, le jeûne et la miséricorde sont portés par la prière, qui nous permet de fortifier notre relation avec Dieu, indispensable pour établir une juste relation avec les autres. Tel est le programme de Carême qu’Augustin nous trace : « Appuyée ainsi sur l’humilité et la charité, sur le jeûne et sur l’aumône, sur l’abstinence et le pardon, sur le soin de faire le bien sans rendre le mal, d’éviter le mal et de faire du bien, notre prière cherche la paix et y parvient; son vol est soutenu sur les ailes de ces vertus, et il la porte plus facilement au ciel, où nous a précédés Jésus-Christ notre paix » (Sermon 207,3).
Par le père Nicolas Potteau, aa.
Méditation du Mercredi des Cendres
Ne nous conformons pas à ce monde mais crucifions l’homme ancien
Nous entrons aujourd’hui dans le temps du Carême que chaque année nous fait revivre. À moi le devoir de vous adresser, comme chaque année, des exhortations, afin que la parole de Dieu dont je suis le ministre nourrisse votre cœur, tandis que votre corps observe le jeûne. Ainsi l’homme intérieur, fortifié par la nourriture qui lui est propre, pourra entreprendre et supporter avec plus de force la mortification de l’homme extérieur.
Écoutez ce que dit l’apôtre Paul : Je vous exhorte, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu (Rm 12,1). Paul parle de cette croix dont le serviteur de Dieu n’a pas à rougir, mais qui est pour lui sujet de gloire : Pour moi, non, jamais d’autre titre de gloire que la croix de Notre Seigneur Jésus le Christ ; par elle, le monde est crucifié pour moi, comme moi pour le monde (Ga 6,14). Cette croix ne nous est pas donnée pour quarante jours, mais pour notre vie entière, représentée par le nombre mystique de quarante jours. Moïse, Élie et le Seigneur lui-même ont jeûné pendant quarante jours. L’Écriture nous fait ainsi comprendre, par l’exemple de Moïse, d’Élie et du Seigneur, c’est-à-dire par la Loi, les Prophètes et l’Évangile, comment nous devons nous comporter : non point nous conformer ou nous attacher à ce monde, mais crucifier l’homme ancien, pour revêtir le Seigneur Jésus (Rm 13, 14).
(Sermon 205, 1)
Dieu qui nous veut honnêtes et forts, que ce temps de Carême nous aide à voir ce qui en nous fait obstacle à l’amour que l’Esprit enracine en notre cœur, l’Esprit dont parle ton Fils, vivant auprès de toi et présent en notre monde. Amen.
* Le texte de Saint Augustin est extrait de Une année avec Saint Augustin, les plus beaux textes à découvrir chaque jour et à méditer. Éditions Bayard. 760 pages. 24 €
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